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Outils, méthodes, prérequis : comment bien mener une enquête ?

© Frédéric Frankel

02/02/2015 - Un oeil sur les médias

Journaliste, David Servenay animera la formation « L’enquête : méthode et traitement des sources » du 25 au 27 février. Auteur de « L’Histoire secrète du patronat » qu’il a co-dirigé (La Découverte – 2009) et de « Au nom de la France, guerres secrètes au Rwanda » (La Découverte – 2014), il est rompu à cet exercice journalistique.

 

Dans cette interview, il nous livre quelques bons conseils pour entamer une enquête.

 

En tant que journaliste, quels sont les préalables pour réaliser une enquête ?


Les qualités qui font un bon enquêteur sont celles qui font un bon journaliste : être curieux et savoir écouter les autres. Après, il faut aussi avoir des réflexes, une méthode de travail et, bien sûr, ne pas compter ses heures…

 

Que l’on soit en presse écrite, radio, télé ou web, les méthodes d’enquête sont-elles les mêmes ?

 

Pour l’essentiel, oui, car dans le processus d’enquête, la part de la mise en forme du sujet vient bien après le travail de fond. Cela dit, certains sujets sont plus faciles à traiter dans un média plutôt qu’un autre. Prenez la responsabilité des grandes banques dans la crise financière de 2008 : en télé, le sujet est particulièrement compliqué à illustrer, car rien ne ressemble plus à un immeuble de Wall Street qu’un autre immeuble de Wall Street. Idem pour les paradis fiscaux : une fois que vous avez filmé une île paradisiaque et son empilement de boîtes aux lettres dans le hall d’un immeuble de bureaux, comment montrer ce qu’est une place off-shore ? Donc, chaque média, avec ses atouts et ses faiblesses, est plus ou moins adapté à un type d’enquête. Cela fait partie des choix à faire lorsque l’on entreprend ce genre de démarche.

 

Avez-vous de bons conseils à donner pour recueillir au mieux des sources ?

 

D’abord, ne jamais croire au mythe de « gorge profonde », la source parfaite et unique qui va vous apporter toutes les réponses. Contrairement à ce que l’on pense, la plupart des sources sont « ouvertes », c’est-à-dire accessibles au public. C’est donc la multiplicité et la qualité des sources qui va faire la différence. Pas leur origine. D’autant que les sources dites « fermées » sont en général là pour instrumentaliser les journalistes.

 

Ensuite, le traitement des sources est une affaire de confiance et de distance. Il est nécessaire d’établir la confiance, de ne pas trahir une source, tout en conservant suffisamment de distance, pour ne pas l’abuser. Comme dit l’adage, pour dîner avec le diable, il faut avoir une longue cuillère !

 

Côté tri et hiérarchisation des informations, quels sont les outils utiles dans le cadre de cet exercice ?

 

Cela dépend des étapes et des enquêtes, mais en général, une bonne chronologie des faits s’avère indispensable à la compréhension d’un événement, exactement comme les historiens peuvent en établir et les utiliser.

 

Il y a aussi des outils spécifiques aux journalistes, comme un plan d’enquête, une sorte de schéma qui articule la manière et l’ordre dans lequel on va approcher des sources et enfin, les outils du web, très efficaces pour mener à bien une enquête. Par exemple, un site qui permet d’identifier qui se cache derrière une adresse IP ou encore, comment vérifier qu’un compte Twitter est authentique…

 

Alors que le journalisme d’investigation a de moins en moins de place dans les rédactions, ne pensez-vous pas que le long-format, sur le web, favorise ce genre journalistique ? 

 

Peut-être… mais il manque encore un modèle économique fiable. Mediapart, par exemple, a fait la démonstration de sa viabilité, à la fois éditoriale et économique, mais ce n’est pas un modèle en soi. Ce qu’on observe depuis au moins dix ans, c’est que l’enquête journalistique sort des cadres traditionnels de la presse pour aller vers l’édition, le documentaire, les formats atypiques du web… Cela génère aussi de nouvelles formes, de nouveaux supports : tout ce qui relève du « slow news » en complément du « fast news » que nous propose le numérique tous les jours. Cela veut donc dire que l’enquête journalistique a de l’avenir, à condition d’en renouveler les formes !

 

Pour en savoir +

 

> sur notre formation « L’enquête : méthode et traitement de sources ».

 

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